Le 11 novembre 2010, par Geneviève Koubi,
Paru au Journal officiel du 11 novembre 2010, le décret n° 2010-1348 du 9 novembre 2010 fixe les conditions de prise en charge des dépenses obligatoires des communes participant à un regroupement pédagogique intercommunal en application de l’article L. 442-5-1 du code de l’éducation.
S’inscrivant dans le cadre des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales et signalant des champs d’interrelations entre communes ‘regroupées’, ce décret insère dans le Code de l’éducation un nouvel article (art. 1er D. n° 2010-1348), l’article D. 442-44-1 :
« Pour l’application de l’article L. 442-5-1, la capacité d’accueil des élèves dans les écoles publiques du regroupement pédagogique intercommunal dont relève la commune de résidence ne peut être opposée à la demande de prise en charge des frais de scolarisation d’un élève dans une école privée sous contrat d’association d’une commune d’accueil qu’à la condition que ce regroupement soit organisé dans le cadre d’un établissement public de coopération intercommunale [1] auquel ont été transférées les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques et dont la commune de résidence est membre. / Le territoire de l’ensemble des communes constituant un tel établissement public de coopération intercommunale est assimilé, pour l’application de l’article L. 442-5-1, au territoire de la commune de résidence et le président de l’établissement public de coopération intercommunale est substitué au maire pour apprécier la capacité d’accueil des élèves dans les écoles publiques et donner l’accord à la contribution financière. »
Cet article D. 442-44-1, situé après l’article R. 442-44 du Code de l’éducation [2], voudrait avoir pour objet de préciser quelques données quant à l’application de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence [3].
Cette loi, retraduite dans les article L. 442-5-1 et L. 442-5-2 de ce code, oblige les communes à financer les écoles privées situées dans d’autres communes si les parents d’élèves résidents choisissent d’y scolariser leurs enfants dans quatre cas : lorsque la capacité d’accueil de la commune de résidence est insuffisante ; pour des raisons médicales ; en cas d’obligations professionnelles notamment si la commune n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants, ou bien lorsqu’un frère ou une soeur de l’enfant est déjà scolarisé hors de la commune [4].
Suivant les dispositions de l’article L. 442-5-1 de ce code, issu de la loi de 2009, « la contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d’un établissement privé du premier degré sous contrat d’association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil. » Les précisions réglementaires ajoutent donc simplement quelques données quant aux situations spécifiques nées de l’intercommunalité en matière d’éducation. Elles s’insèrent dans la réforme des collectivités territoriales encore en cours de vote...
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C. Durand-Prinborgne notait, en 2003, que « l’éducation nationale est l’un des services publics les plus directement affectés par la parcellisation communale ». Il avait ainsi regretté que la volonté décentralisatrice ne conduise pas « à régler directement le problème du nombre des communes », et ainsi souligné le problème de la scolarisation dans le monde rural [5]. Si, selon la réforme en cours, les communes seront plus qu’incitées à se glisser dans les formes de l’intercommunalité, il n’en reste pas moins que le principe du maintien des écoles rurales demeurera lancinant. L’enjeu serait, du point de vue social, de ne pas accentuer la faille entre le rural et l’urbain. Toutefois, il est à noter que le conseil municipal décide de la création et de l’implantation d’une école ; l’article L. 2121-30 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose en effet que « le conseil municipal décide de la création et de l’implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d’enseignement public après avis du représentant de l’Etat dans le département ». Cependant, lorsqu’il est décidé, par les instances centrales et plus particulièrement par l’autorité académique, de supprimer des postes, il est possible de constater qu’ « en pratique les décisions de “fermetures” de classes et d’école sont prises par les autorités académiques. » [6]
Dès lors, le dispositif de l’article D. 442-44-1 du Code de l’éducation ne peut prétendre quelque peu nuancer le système de financement des écoles privées par des collectivités publiques, ce d’autant plus que la perspective annoncée, sous l’emprise de la RGPP, est de procéder aux fermetures des écoles (suppressions de postes aidant) – ce qui atteint, notamment, les écoles sises dans les campagnes et en montagne. En quelque sorte, cet article D. 442-44-1 répond à l’une des attentes de C. Durand-Prinborgne lorsqu’il relevait que l’équipement et le fonctionnement des écoles pouvaient relever « d’une intercommunalité éducative réellement favorisée » [7].
Mais, l’article D. 442-44-1 insiste surtout sur la nécessité de la prise en charge des frais de scolarisation d’un élève dans une école privée sous contrat d’association en soulignant l’importance du critère de la "capacité d’accueil des élèves dans les écoles publiques". Ce critère a été institué par la loi de 2009 : la contribution « revêt le caractère d’une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou, dans des conditions fixées par décret, le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ne dispose pas des capacités d’accueil nécessaires à la scolarisation de l’élève concerné dans son école publique ».
Puisque le schéma intercommunal semble désormais prédominer, ce ne serait plus au maire de détenir les clefs pour apprécier la qualité de “ces capacités d’accueil” lorsque la commune qu’il administre se situe dans le cadre d’un regroupement organisé sous la forme d’un établissement public de coopération intercommunale. De ce fait, ainsi que le précise désormais l’article D. 442-44-1 du Code de l’éducation, « le territoire de l’ensemble des communes constituant un tel établissement public de coopération intercommunale est assimilé, (...), au territoire de la commune de résidence ». En conséquence, le président de l’établissement public de coopération intercommunale est seul compétent pour une telle appréciation et, donc, pour « donner l’accord à la contribution financière ».
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La commune de résidence deviendrait-elle donc l’EPCI de résidence ? Serait-ce un prélude à une modification du statut des EPCI en leur attribuant, à terme, un "nom" qui effacerait celui des communes qui en font partie [8] ?
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[1] EPCI.
[2] Cet article s’inscrit dans la sous-section qui concerne le financement des dépenses des classes sous contrat d’association ; il dispose : « En ce qui concerne les classes élémentaires, les communes de résidence sont tenues d’assumer, pour les élèves domiciliés sur leur territoire et dans les mêmes conditions que pour les classes élémentaires publiques, les dépenses de fonctionnement (matériel) des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l’Etat. En ce qui concerne les classes maternelles ou enfantines, la commune siège de l’établissement, si elle a donné son accord à la conclusion du contrat, est tenue d’assumer, pour les élèves domiciliés dans la commune et dans les mêmes conditions que pour les classes maternelles ou enfantines publiques, les dépenses de fonctionnement (matériel) des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l’Etat. Pour les élèves non domiciliés dans la commune siège de l’établissement, leurs communes de résidence peuvent également participer, par convention, aux dépenses de fonctionnement de ces classes, sous réserve des dispositions de l’article R. 442-47 ».
[3] V. à propos de cette loi, par ex., B. Toulemonde, « La loi Carle, un compromis boiteux », AJDA 2009, p. 2396 ; J.-M. Pontier, « Une histoire sans fin ? École privée, école publique, la parité de financement », JCP A 2009, 2272 ; M. Auvray, « La parité de financement entre écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association devant le Conseil constitutionnel », RFDA 2010, p. 769. V. aussi, Cons. const. déc. n° 2009-591 DC 22 oct. 2009, Loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, JO 29 oct. 2009 ; CE 2 juin 210, Fédération éducation de l’UNSA et autres, req. n°s 309948, 310344, 310401, 310402. V. par ailleurs, TA Dijon 28 févr. 2008, Préfet de Saône-et-Loire c/ Commune de Semur-en-Brionnais, AJDA 2008. 926, concl. O. Tainturier.
[4] Selon l’article L. 442-5-2 du Code de l’éducation, « lorsqu’elle est obligatoire, la contribution aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d’association des établissements privés du premier degré est, en cas de litige, fixée par le représentant de l’Etat dans le département qui statue dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été saisi par la plus diligente des parties. »
[5] C. Durand-Prinborgne, « A propos de la politique de décentralisation : vers de nouveaux transferts de compétences en éducation et formation ?, » AJDA 2003, p. 65.
[6] id.
[7] id.
[8] V. art. L. 2111-1 CGCT : « Le changement de nom d’une commune est décidé par décret en Conseil d’Etat, sur demande du conseil municipal et après consultation du conseil général. / Toutefois, les changements de noms qui sont la conséquence d’une modification des limites territoriales des communes sont prononcés par les autorités compétentes pour prendre les décisions de modification. »