Le 8 août 2014, par Geneviève Koubi,
L’instruction n° INTB1416435N du 21 juillet 2014 relative aux obligations du préfet de département pour la transmission des saisines adressées au médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales [1] retient le dispositif de l’article 3 du décret n° 2014-309 du 7 mars 2014 - qui créait justement cette institution... pour une année seulement [2].
Cet article aménage en effet la possibilité pour les collectivités territoriales d’en appeler au médiateur : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent saisir le médiateur, par l’intermédiaire du préfet de département, des difficultés qu’ils rencontrent dans la mise en œuvre de lois ou de règlements. Le préfet transmet sans délai la saisine au médiateur. »
Cette ouverture qui retrace l’un des principaux objectifs du décret, esquisse une modalité d’apaisement des contestations émanant des collectivités territoriales face à l’empilement des normes les concernant et, plus particulièrement, devant les règlements qui suscitent quelques difficultés de mise en œuvre localement. En même temps, elle permettait, grâce au mot-clef de ’simplification’ sous-jacent, au Gouvernement de poursuivre le mouvement de recentralisation engagé dès l’annonce de la réforme de l’action publique dans les territoires.
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Cette instruction du 21 juillet 2014 laisse penser que l’institution du médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales pourrait être prolongée au-delà d’une année, voire même pérennisée.
En même temps, elle susciterait quelques réflexions quant à l’afflux des demandes adressées au médiateur par les collectivités territoriales. Certes, aucune indication n’est donnée en la matière mais le fait même que l’instruction évoque des défauts dans l’application d’une procédure de « transmission préalable au préfet » pour une saisine du médiateur en constituerait un des indices.
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Ainsi que le rappelle l’instruction, en dépit de la formulation de l’article 3 du décret du 7 mars 2014 et du fait même que le médiateur s’est autorisé à déclarer recevables des demandes qui lui étaient parvenues directement, la transmission de la demande au préfet n’est pas une obligation.
Toutefois, les services du Premier ministre, peut-être quelque peu déçus de ne pouvoir s’emparer des doléances des collectivités territoriales avant qu’elles ne parviennent au médiateur ou bien inquiets de voir s’élargir la faille entre les collectivités territoriales et les services des préfectures, estiment utile de signaler quel est le sens à donner à cette procédure de transmission préalable au préfet prescrite par le décret :
« L’unique objet d’une transmission préalable des demandes au préfet de département est d’offrir aux collectivités territoriales et à leurs groupements un moyen simple et sûr d’atteindre le médiateur. »
La rédaction s’adresse là plus aux collectivités qu’aux préfets eux-mêmes, comme s’il s’agissait de rétablir la confiance des unes envers les autres, comme s’il fallait rassurer les collectivités quant à l’existence d’une distanciation entre les modalités du contrôle de légalité de leurs actes administratifs et les moyens de résoudre les difficultés d’application des normes législatives et réglementaires qu’elles rencontrent.
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Ainsi est-il enjoint aux préfets de ne pas s’appesantir sur le contenu des demandes de saisine du médiateur. Les quelques préfets qui avaient pensé devoir « jouer un rôle de filtre » afin de ne transmettre que des demandes qu’ils estimaient recevables par le médiateur des normes et susceptibles de justifier une instruction [3], se voient alors désavoués.
La « seule obligation qui [leur] incombe à la réception d’une demande est de la transmettre sans délai au médiateur des normes ». En effet, le médiateur est « le seul habilité à apprécier si le contenu des saisines mérite ou non une instruction ».
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La tâche des services de la préfecture est ainsi réduite à une fonction d’expédition des demandes de saisine qui lui parviennent, ce d’autant plus que les échanges qui pourraient avoir lieu entre une collectivité territoriale et le médiateur des normes n’ont pas même à transiter par la préfecture.
En quelque sorte, si le principe de la transmission préalable au préfet de département est maintenu, au moins au regard de l’article 3 du décret du 7 mars 2014, il n’aurait qu’une finalité statistique...
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On peut donc effectivement s’interroger sur la raison d’une procédure de transmission préalable des demandes de saisine du médiateur des normes, n’est-ce pas ?
[1] Mise en ligne le 30 juillet 2014 sur le site www.circulaires...gouv.fr.
[2] Art. 1, D. 7 mars 2014 : « Il est institué auprès du Premier ministre, pour une durée d’un an, un médiateur des normes applicables aux collectivités territoriale ».
[3] Art. 4, D. 7 mars 2014 : « Le médiateur peut, en tant que de besoin, faire appel aux services des ministères concernés pour l’instruction des dossiers dont il est saisi » ; art. 5, D. 7 mars 2014 : « Lorsqu’il l’estime justifié, à l’issue de l’instruction des dossiers, le médiateur adresse une recommandation aux administrations concernées. Il est informé des suites données à cette dernière ».