Le 2 mai 2008, par Geneviève Koubi,
Au Journal officiel du 2 mai 2008, a été publié un décret n° 2008-420 du 29 avril 2008 portant « création du Conseil national du droit ».
Visant l’article L. 611-2 du code de l’éducation qui fait entrer dans la détermination des programmes d’enseignement dispensé dans les universités, les desiderata des entreprises privées et en appelle à l’intervention des professionnels du secteur concerné dans leur réalisation [1], ce décret donne une architecture juridique à une initiative qui, prenant en considération les recommandations d’un rapport rendu par le « Groupe de travail sur l’enseignement juridique » (présidé par le professeur D. Truchet), était principalement d’origine universitaire et s’intéressait plus particulièrement aux enseignements du droit. Il avait alors pour objet de réunir tant les enseignants-chercheurs en droit que les principaux organismes professionnels qui font du droit, dans toutes ses dimensions et en tous ses aspects, leur objet principal [2].
L’idée d’un Conseil national du droit relève directement d’une des recommandations présentées dans le rapport remis en janvier 2007 au Directeur général de l’enseignement supérieur (J.-M. Monteil). L’officialisation de ce Conseil national du droit était attendue depuis le mois d’octobre 2007 tant ses travaux avaient permis de cerner les modes d’enseignement du droit et de préciser les contours de la pratique du droit.
Le décret du 29 avril 2008 entérine la proposition. Il en modifie pourtant sensiblement les paramètres notamment en précisant sa composition. Placé directement sous l’égide des ministères de la justice et de l’enseignement supérieur, ce conseil comprend d’abord des personnalités non universitaires relevant, au plus haut grade, d’institutions de justice telles le Conseil d’État et la Cour de Cassation [3]. Si y participent aussi les présidents du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, du Centre national de la fonction publique territoriale et le directeur de l’Ecole nationale de la magistrature, on peut craindre une orientation des études de droit exclusivement tournée vers la préparation à certains concours de la fonction publique. Cette remarque doit être tempérée par le fait qu’en sont aussi le directeur de la Mission de recherche ’droit et justice’ et le directeur scientifique des sciences de l’homme et de la société au Centre national de la recherche scientifique. Néanmoins, la place du « droit public » dans ce cadre risque d’être déstabilisée du fait de la participation de représentants de conseils nationaux essentiellement formés de juristes de droit privé (notariat, entreprise, assurances, commerce…) ; et, surtout, on peut s’interroger sur le fait que le président du Mouvement des entreprises de France en soit membre alors qu’aucun représentant des syndicats de travailleurs ou de fonctionnaires ne l’est !!
En sont encore membres de droit : le président de l’Association des universités à dominante juridique et politique et des facultés de droit ; les présidents des sections 01, 02 et 03 du Conseil national des universités et un membre du bureau de la Conférence des présidents d’université désigné par celui-ci. L’équilibre entre les sections CNU n’est pas vraiment assuré puisque les sections 01 (droit privé) et 02 (droit public) disposent chacune de trois membres désignés par leurs pairs, la section 03 (histoire du droit) ne peut en désigner qu’un seul [4].
L’article 2 de ce décret détermine les missions de ce conseil : « Le Conseil national du droit est chargé d’une mission de réflexion et de proposition sur l’enseignement du droit, sur les relations entre les établissements qui dispensent cet enseignement et les institutions et professions concernées, sur la formation et l’emploi des juristes et sur les orientations et les modalités de la recherche juridique. /Il peut être consulté sur les modalités d’accès aux professions judiciaires, juridiques et administratives. /Il peut être saisi de toute question entrant dans son champ de compétence par les ministres de la justice et chargé de l’enseignement supérieur ».
Il n’y aura pas de principe de « transparence » à évoquer quant aux travaux réalisés par ce Conseil. En effet, l’article 7 du décret dispose que « le Conseil national du droit adopte son règlement intérieur. Ses séances ne sont pas publiques. Il peut adopter des vœux, des avis et des recommandations, qui sont communiqués au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre chargé de l’enseignement supérieur et rendus publics après leur accord écrit »….
L’application de ce décret est à suivre….
[1] « Art. 611-2 : Les enseignements supérieurs sont organisés en liaison avec les milieux professionnels : /1° Leurs représentants participent à la définition des programmes dans les instances compétentes ; /2° Les praticiens contribuent aux enseignements ; /3° Des stages peuvent être aménagés dans les entreprises publiques ou privées ou l’administration ainsi que des enseignements par alternance ; dans ce cas, ces stages doivent faire l’objet d’un suivi pédagogique approprié ».
[2] Voir le communiqué de presse du Conseil national du droit « informel » du 14 mai 2007.
[3] Mais, évidemment ( ?), pas du Conseil constitutionnel…
[4] Ce rapport se retrouve également en ce qui concerne les enseignants-chercheurs désignés par l’Association des universités à dominante juridique et politique et des facultés de droit.