Le 19 février 2013, par Geneviève Koubi,
S’il est un objet qui n’a pas encore fait d’études spécifiques en droit administratif ou en droit des libertés fondamentales, ce serait celui de la nature de la "mesure" indiquée comme la plus appropriée pour répondre aux faits et situations relevés dans les avis et recommandations que certaines autorités autorités administratives indépendantes adressent aux pouvoirs publics.
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Cette problématique n’aurait - à ce jour - de validité (en termes de ’faisabilité’) que dans le cadre des avis du contrôleur des lieux de privation de liberté - du moins, certains d’entre eux.
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● Exemples
, dans l’avis du 17 janvier 2013 relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles [1], au point 9 : « Pour ces motifs, il est recommandé aux pouvoirs publics, par voie de circulaire, d’une part, de rappeler que l’arrêté du préfet mettant fin au séjour en UMD doit être suivi simultanément de l’arrêté du préfet du département de l’établissement d’origine réadmettant le malade dans ce dernier, ces arrêtés s’imposant naturellement à l’établissement, dont l’inaction engage sa responsabilité vis-à-vis du patient et des siens ; d’autre part, de définir une procédure permettant à l’agence régionale de santé compétente (ou, en cas de pluralité d’agences, à l’administration centrale), dûment saisie en temps utile sur ce point par la direction de l’UMD, le soin de déterminer sans délai, en cas de doute, l’établissement de retour, le critère essentiel à suivre en la matière étant la faculté de réadaptation du patient, notamment au regard de ses liens familiaux, le préfet de département ainsi déterminé devant ensuite prendre sans délai l’arrêté nécessaire. »
, dans l’avis du 26 septembre 2012 relatif à la semi-liberté [2], à la fin du point 8 : « Il convient de réglementer précisément la mise en œuvre de cette mesure (placement en cellule de discipline), en distinguant la punition de l’attente (...), en prévoyant une durée maximale de maintien, en précisant les droits restant attachés à la personne concernée et, surtout, en définissant, a posteriori, une procédure, adaptée à ces établissements, mettant l’intéressée à même de se défendre, d’autant plus qu’une telle mesure peut être d’effet sérieux sur son activité à l’extérieur. »
, dans l’avis du 22 mai 2012 relatif au nombre de personnes détenues [3], au dixième et dernier point : « ... on doit cependant admettre que l’amnistie ne constitue ni une incongruité juridique, ni une étrangeté démocratique, et s’étonner qu’elle disparaisse de l’horizon législatif national. Il est sans doute dommageable, même si l’on en voit bien les motifs, que le Parlement ne puisse voter une mesure en ce sens, dont il lui appartient de définir l’opportunité et les contours : la justification n’en est aujourd’hui guère discutable. »
, dans l’avis du 14 octobre 2011 relatif à l’emploi de la visioconférence à l’égard de personnes privées de liberté [4], au point 7 : « On doit donc souhaiter qu’une disposition législative encadre le recours aux moyens de télécommunication audiovisuelle en la matière, aujourd’hui purement discrétionnaire. L’intervention d’un tel texte est d’autant plus nécessaire que, en ce domaine, les questions de pur fait sont prédominantes. »
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● Questionnements
Dans cette perspective, il serait nécessaire :
, 1/ de récolter tous les avis du CGLPL recommandant le passage à un acte décisionnel de la part des pouvoirs publics [5] ;
, 2/ de reconstituer les argumentations de chacun des avis recueillis afin de discerner non l’opportunité de la mesure recommandée mais sa pertinence juridique au regard des faits et situations analysées ;
, 3/ de rétablir les hiérarchies normatives en s’assurant de la validité (en termes normatifs) de tous les textes concernant le sujet traité, et en s’assurant des liens avec les interprétations données par la jurisprudence (et le cas échéant les circulaires, instructions, notes de service) ;
, 3/ de s’interroger sur la répartition entre le domaine de la loi et celui du règlement tel qu’elle est agencée par la Constitution et la jurisprudence ;
, 4/ de rechercher s’il n’existe pas de dispositions juridiques adéquates, adaptables ou convergentes, permettant de se saisir des faits - voire d’autres types de texte qui offrirait quelques pistes (normes internationales, normes déontologiques, etc.) ;
, 5/ et s’il s’avérait qu’une faille demeure (que cela soit même sous le sceau de l’inintelligibilité), d’évaluer un possible ajustement ou un succédané d’accommodement.
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L’objectif serait, sans s’attarder sur la consistance des faits, de répondre à la question : suffit-il, en la matière, d’une loi, d’un règlement de type décrétal, d’un règlement intérieur, d’une directive, d’un guide ou charte, d’une circulaire portant explicitation, interprétation, d’un dispositif spécifique (annexe), etc., pour réduire la faille relevée ? Car, l’enjeu n’est pas de développer une dissertation morale. De fait, l’absence de telles mesures n’ayant en rien empêché jusqu’alors le système de fonctionner, la réflexion conduirait non à évoquer des ’vides juridiques’ (qui n’existent pas) mais plutôt à à situer les "manques" en matière de respect ou de protection des droits et libertés pour les personnes ne disposant pas de la liberté de déplacement...
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● Exercices [6]
Cas pratique : Rédaction de la circulaire souhaitée par l’avis du 17 janvier 2013 relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles.
Commentaire de cet extrait d’une décision du Conseil constitutionnel (Décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, M. Mickaël D. [Ivresse publique]) : « Considérant que l’article 66 de la Constitution dispose : "Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi" ; qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la protection de la santé des personnes ainsi que la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu’au nombre de celles-ci figurent la liberté d’aller et venir, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l’exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; que, dans l’exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu’il entend édicter ; »
Dissertation : La distinction entre mesures privatives de liberté et mesures privatives de droits.
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