Le 12 mars 2009, par Geneviève Koubi,
Document en rapport avec le séminaire (Master 2) sur « liberté d’expression et droit à l’information » : Le « secret ».
Outre les divers documents proposés sur ce thème, parmi les informations récentes qui pourraient être apportées lors de la discussion, comme une limite à un "droit à l’information" et, dans le cadre des liberté(s) d’expression(s) comme une obligation de secret professionnel ’absolu’, il serait utile de signaler le décret n° 2009-254 du 4 mars 2009 relatif à certaines dispositions réglementaires de la deuxième partie du code de la défense (Décrets en Conseil d’Etat et décrets simples) - (publié au JO du 6 mars 2009).
Ce décret comporte, comme la plupart des décrets de ce type, une annexe qui regroupe les articles concernés de la partie réglementaire du code. Cependant, avant de livrer le contenu de cette partie, ou de certains livres ou sections de cette partie, une liste des décrets abrogés peut, doit, être donnée. En ce qui concerne le présent décret, cette liste relève de l’article 3. Elle permet de relever non l’historique du code mais les racines des dispositions relatives au secteur militaire, aux armées, à la Défense ; on y trouve ainsi par exemple, désormais abrogés, le décret du 2 août 1877 pour l’exécution de la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires ; le décret du 28 novembre 1938 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation pour le temps de guerre ; le décret du 6 décembre 1938 sur les réquisitions militaires ; le décret du 5 janvier 1939 portant règlement d’administration publique sur les recensements prévus par l’article 30 de la loi du 11 juillet 1938 ; le décret du 2 septembre 1939 relatif à l’emploi des ressources dans les territoires d’outre-mer dépendant de l’autorité du ministre des colonies ; etc. Cette liste ne doit pas induire en erreur ; si les décrets en cause sont abrogés, les dispositions qui restaient encore en vigueur ne sont que « transférées » dans le code, nonobstant des modifications linguistiques – qui peuvent, certes, rétroagir sur leur sens. Ainsi qu’il est précisé à l’article 2 du décret n° 2009-254 du 4 mars 2009, « les références à des dispositions abrogées par l’article 3 sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du code de la défense ».
De ce décret qui concerne les dispositions réglementaires du livre Ier, du livre II et des titres Ier et II du livre III et du livre IV du Code de la défense [1], il s’agit de retenir, parmi les dispositions relatives aux « régimes juridiques de défense d’application permanente » du Livre III, quelques-uns du Titre Ier dont l’intitulé est : « le secret de la défense nationale ». Par delà les méandres d’un séminaire, ce choix est justifié par l’actuelle préoccupation des syndicats de magistrats qui, à la fin du mois de février, ont relevé la création, dans le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, de “citadelles d’impunités” du fait de l’extension du “secret-défense”. Alors que le champ de ce secret est pensé aujourd’hui pour les “documents”, si le projet de loi n° 1216 relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (articles 12 à 14) était adopté, il étendrait considérablement, voire "sans limites précises", les zones d’influences protectrice du secret défense. Etendu aux “lieux”, espaces et locaux, il empêcherait alors les juges de réaliser leurs missions, de perquisition notamment, lors de certaines investigations qui se jouent en ‘effet de surprise’… — ce qui a suscité un tollé.
Le Chapitre 1er de ce Livre est relatif à la « protection du secret de la défense nationale ». En voici quelques extraits (issus dudit décret) :
R. 2311-1 - Les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale sont dénommés dans le présent chapitre : « informations ou supports protégés ».
R. 2311-2 - Les informations ou supports protégés font l’objet d’une classification comprenant trois niveaux : /1° Très Secret-Défense ; /2° Secret-Défense ; /3° Confidentiel-Défense.
R. 2311-3 - Le niveau Très Secret-Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire très gravement à la défense nationale et qui concernent les priorités gouvernementales en matière de défense. / Le niveau Secret-Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale. / Le niveau Confidentiel-Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale classifié au niveau Très Secret-Défense ou Secret-Défense.
R. 2311-4 - Les informations ou supports protégés portent la mention de leur niveau de classification. / Les modifications ou suppressions des mentions sont décidées par les autorités qui ont procédé à la classification.
R. 2311-5 - Le Premier ministre détermine les critères et les modalités d’organisation de la protection des informations ou supports protégés classifiés au niveau Très Secret-Défense. / Pour les informations ou supports protégés classifiés au niveau Très Secret-Défense, le Premier ministre définit les classifications spéciales dont ils font l’objet et qui correspondent aux différentes priorités gouvernementales. / Dans les conditions fixées par le Premier ministre, chaque ministre, pour ce qui relève de ses attributions, détermine les informations ou supports protégés qu’il y a lieu de classifier à ce niveau.
R. 2311-6 - Dans les conditions fixées par le Premier ministre, les informations ou supports protégés classifiés au niveau Secret-Défense ou Confidentiel-Défense, ainsi que les modalités d’organisation de leur protection, sont déterminés par chaque ministre pour le département dont il a la charge.
R. 2311-7 - Nul n’est qualifié pour connaître des informations ou supports protégés s’il n’a fait au préalable l’objet d’une décision d’habilitation et s’il n’a besoin de les connaître pour l’accomplissement de sa fonction ou de sa mission.
R. 2311-8 - La décision d’habilitation précise le niveau de classification des informations ou supports protégés dont le titulaire peut connaître. Elle intervient à la suite d’une procédure définie par le Premier ministre. / Elle est prise par le Premier ministre pour le niveau Très Secret-Défense et indique notamment la ou les catégories spéciales auxquelles la personne habilitée a accès. / Pour les niveaux de classification Secret-Défense et Confidentiel-Défense, la décision d’habilitation est prise par chaque ministre pour le département dont il a la charge.
R. 2311-9 - Le ministre de la défense ou le commandement est habilité à restreindre l’usage de moyens de communication et d’information, quels qu’ils soient, pour assurer la protection des militaires en opération, l’exécution de la mission ou la sécurité des activités militaires. / La détention et l’usage d’appareils photographiques, cinématographiques, téléphoniques, télématiques ou enregistreurs ainsi que de postes émetteurs ou récepteurs de radiodiffusion ou télévision dans les enceintes et établissements militaires ou en campagne, dans les cantonnements et véhicules, ainsi qu’à bord des bâtiments de la flotte et des aéronefs, peuvent être soumis à autorisation préalable. / La publication ou la cession de films, de photographies ou d’enregistrements pris dans les enceintes, établissements militaires, bâtiments de la flotte et aéronefs, ou à l’occasion d’opérations, de manœuvre ou de toute autre activité militaire est soumise à l’autorisation préalable du commandant de la formation administrative.
R. 2311-10 - Sous l’autorité du Premier ministre, le secrétaire général de la défense nationale est chargé d’étudier, de prescrire et de coordonner sur le plan interministériel les mesures propres à assurer la protection des secrets intéressant la défense nationale. / Le secrétaire général de la défense nationale veille à la mise en œuvre de ces mesures. Il a qualité pour la contrôler. Il a la possibilité en toutes circonstances de saisir, par l’intermédiaire des ministres intéressés, les services qui concourent à la répression des délits. / Les attributions de sécurité de défense définies ci-dessus n’affectent pas les responsabilités propres des ministres en cette matière.
R. 2311-11 - Le secrétaire général de la défense nationale, conformément aux dispositions de l’article R. 2311-10, prescrit, coordonne et contrôle l’application des mesures propres à assurer la protection du secret dans les rapports entre la France et les Etats étrangers. / Il assure, en application des accords internationaux, la sécurité des informations classifiées confiées à la France. / Il définit les mesures propres à assurer la protection des informations nationales confiées à des Etats étrangers ou à des organisations internationales.
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[1] En rappelant que « les articles identifiés par un R correspondent à des dispositions relevant d’un décret en Conseil d’Etat, ceux identifiés par un D correspondent à des dispositions relevant d’un décret simple »