Le 11 mars 2015, par Geneviève Koubi,
Un article de B. Floc’h, paru au journal Le Monde du 10 mars 2015, informe sur une nouvelle mise à l’épreuve des études menées en sciences sociales, là particulièrement en sociologie : « Dans le premier numéro de l’année de la revue de sociologie Sociétés, MQ et ASM publient, sous le pseudonyme Jean-Pierre Tremblay, un article consacré à l’Autolib’, le service parisien de voitures en libre-service. Ce texte, fondé sur « une enquête de terrain approfondie, elle-même couplée à une phénoménologie herméneutique consistante », entend montrer que la voiture de Bolloré est « un indicateur privilégié d’une dynamique macrosociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémê “moderne” à une épistémê “postmoderne” ». La formulation est savante. Il n’empêche : l’article est un faux grossier. Un canular. »
Voici donc une étude à ne jamais citer, sauf à vouloir étudier les "impostures intellectuelles" dont l’une des clefs est offerte par l’affaire Sokal. Autant en noter désormais la référence pour ne pas en user lors d’une étude sur les prolongements des libertés de déplacement ou même les accessoires aux services de transport : Tremblay Jean-Pierre, « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris », Sociétés 4/2014 (n° 126) , p. 115-124.
Dans un billet posté sur internet (carnet Zilsel), les deux auteurs qui s’étaient déguisés sous ce pseudonyme ont allumé la mèche. Ils ont ainsi constaté que : « Des canulars et des arnaques, on en compte de plus en plus aujourd’hui en science. L’édition scientifique et le système d’évaluation par les pairs qu’elle est supposée garantir sont semble-t-il vulnérables. À la périphérie des revues bien installées et mainstream, des centaines de revues « prédatrices » en « open access » et aux titres souvent improbables ont investi le marché de l’édition scientifique. Elles proposent de publier n’importe quel article en échange de sommes parfois assez conséquentes. Pour des raisons diverses (obéir à la discipline du « publish or/and perish », en particulier), de nombreux scientifiques mordent à l’hameçon et engraissent toujours plus ces revues en toc sans éthique. » Et par cela, ils ont pu signifier l’importance que revêtaient de telles farces : « Des expérimentations par le jeu de canulars bien ajustés ont récemment permis de réaliser l’étendue des dégâts à l’échelle du globe. »
Doit-on penser qu’en plus d’évaluer les articles, il deviendrait dès lors indispensable d’évaluer aussi les revues ? Faudrait-il ainsi demander qu’elles soient attentivement sélectionnées sur les supports numériques ouverts à la communauté des chercheurs ? L’augmentation des ces cas, entre canulars et falsifications, entre plagiats et fraudes, ne devrait-elle pas inciter à plus de prudence ?
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Il resterait donc à effectuer une étude sur les canulars dans les domaines scientifiques, en ayant conscience que les sciences juridiques ne sont pas à l’abri...
Mais pour cela, il serait indispensable de remettre les pendules de la déontologie plus que de la seule éthique à l’heure. Enfin, il devient indispensable de quitter le champ exponentiel de la productivité pour enfin reparler de recherche, de réflexion, de publication... en termes de qualité et d’originalité et non plus de quantité et de conformité... A côté du plagiat, existent donc d’autres formes de déliquescence de la recherche contre lesquelles lutter.
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