Le 11 mai 2013, par Geneviève Koubi,
Un décret n° 2013-390 du 7 mai 2013 modifiant le décret n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique et le décret n° 2011-340 du 29 mars 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion de l’information et à la prévention des atteintes à la sécurité publique apporte une précision essentielle quant au sens à donner à la mention "origine géographique" qui figure parmi les données à caractère personnel enregistrées dans ces deux fichiers.
● Même si la racine de ce décret modificatif, publié au Journal officiel du 11 mai 2013, n’est pas exposée, il apparaît indubitablement nécessaire de retenir les remarques insérées dans la décision du Conseil d’État du 11 mars 2013, Association SOS Racisme - Touche pas à mon pote, req. n° 348613 qui a validé le décret n° 2011-340 du 29 mars 2011 (GIPASP).
A cette occasion, le Conseil d’État a pu considérer, en retenant les termes de l’article 1er de la Constitution [1], « qu’en disposant que : "Par dérogation, sont autorisés, pour les seules fins et dans le strict respect des conditions définies au présent décret, la collecte, la conservation et le traitement de données concernant les personnes mentionnées à l’article 1er et relatives : / (...) - à l’origine géographique (...)", l’article 3 du décret attaqué ne méconnaît pas les dispositions constitutionnelles précitées dès lors que les données pouvant être enregistrées au titre de l’origine géographique, d’une part, doivent être en rapport direct avec le motif de l’enregistrement de la personne en cause dans le traitement, d’autre part, ne peuvent être que de nature factuelle et objective et ne sauraient, en conséquence, avoir pour effet, contrairement à que soutient l’association requérante, de déterminer une origine raciale ou ethnique, ni, par suite, de procéder à la collecte d’informations relatives à ces origines ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnait l’article 1er de la Constitution ne peut, dès lors, qu’être écarté ; » (cons. 6).
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● Les deux fichiers PASP et G-IPASP ont de fait un même but : la "prévention de la sécurité publique"... en cataloguant les individus ’susceptibles’ de créer désordres et troubles [2]
L’article 1er du décret n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 (PASP) prévoit que « le traitement de données à caractère personnel, intitulé "Prévention des atteintes à la sécurité publique", [a] pour finalité de recueillir, de conserver et d’analyser les informations qui concernent des personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Ce traitement a notamment pour finalité de recueillir, de conserver et d’analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles d’être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l’occasion de manifestations sportives. »
L’article 1er du décret n° 2011-340 du 29 mars 2011 concerne la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, dénommé "gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique", lequel a « pour finalité de recueillir, de conserver et d’analyser les informations qui concernent des personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Le traitement a notamment pour finalité de recueillir, de conserver et d’analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles d’être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l’occasion de manifestations sportives ».
La CNIL remarquait ainsi logiquement, dans son avis n° 2010-456 du 9 décembre 2010, que « la finalité du traitement GIPASP est strictement identique à celle du traitement PASP » [3].
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● La notice explicative du décret n° 2013-390 du 7 mai 2013 présente désormais les nouvelles acceptions de la donnée ’origine géographique’. Elle ne permet pas de déterminer si cela transforme ou non les finalités suspicieuses de ces fichiers - lesquels sont une continuation des fichiers contestés en leur temps et connus alors sous les noms d’EDVIGE et EDVIRSP [4] - :
« les décrets PASP et GIPASP des 16 octobre 2009 et 29 mars 2011 comportent parmi les données pouvant être enregistrées dans le traitement la notion d’origine géographique qui est destinée à indiquer la provenance des intéressés. Le présent décret a pour objet de préciser les éléments constitutifs de cette notion qui ne relève pas des données sensibles mais doit se limiter à l’indication du lieu de naissance, du quartier de résidence et du territoire d’activité, en cohérence avec les directives adressées aux préfets ainsi qu’aux services de la police et de la gendarmerie nationales ».
● En conséquence, à l’article 2 du décret du 16 octobre 2009 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), après les mots : « numéros de téléphone et adresses électroniques », sont ajoutés les mots : « , origine géographique (c’est-à-dire : lieu de naissance, lieux de résidence et zones d’activité) », et les mots : « - à l’origine géographique ; » sont supprimés de l’article 3. Il en est de même pour les articles 2 et 3 du décret du 29 mars 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion de l’information et à la prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP).
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● Si l’on peut admettre à la rigueur que la mention du quartier de résidence - sous l’expression générale de "lieux de résidence" qui présupposerait la multiplicité des domiciles - et celle du territoire d’activité - exposé dans le texte en termes de ’zones’ d’activité ! - ne relèveraient pas des catégories de données à caractère personnel "sensibles", il est quand même difficile de penser que ’l’indication du lieu de naissance’ n’en serait pas !! [5]
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[1] "La France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, ou de religion".
[2] NB : n’est pas cité là le traitement EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique).
[3] La différence entre l’un et l’autre serait que l’un emmagasine les informations personnelles et que l’autre les capitalise...
[4] V. Gk, « Remplacer EDVIGE, éviter EDVIRSP : fichiers de prévention de la sécurité publique... », (18 oct. 2009). V. aussi, sur Big Brother Awards France, « Inflation du fichage policier : l’énorme hypocrisie », (21 oct. 2009). L’historique de ces fichiers peut être recomposée à travers certains avis de la CNIL. Par ex. : CNIL, Délibération n° 2010-427 du 25 novembre 2010 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’Etat portant modification des décrets n° 2009-1249 et n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 portant création des traitements de données à caractère personnel respectivement relatifs à la prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP) et aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP). Plus sûrement, v. avis CNIL n° 2012-085 du 22 mars 2012 relatif au projet de décret modificatif retranscrit dans le décret du 7 mai 2013.
[5] Faut-il vraiment croire que ces traitements ne font « l’objet d’aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d’autres traitements ou fichiers » ? (art. 8 de chacun des deux décrets PASP et GIPASP)