Le 29 novembre 2018, par Geneviève Koubi,
[1]
...
A la suite de la circulaire INTA1830120J, en date du 21 novembre 2018 relative à la tenue des listes électorales et des listes électorales complémentaires qui faisait état de la mise en œuvre prochaine du "répertoire électoral unique" (REU) [2], afin de suppléer les agents de l’INSEE comme ceux des communes pour la tenue et la mise à jour continue de ce répertoire, les citoyens sont aussi, s’ils le veulent ou s’ils l’estiment nécessaire, mis à contribution [3]…
La technique de transfert des charges administratives est devenue habituelle ; en toutes matières, en tous domaines, l’objectif des gouvernements est de faire en sorte que le travail alors effectué par les agents publics le soit désormais par les administrés concernés. Qu’il s’agisse de proposer aux citoyens de remplir un formulaire ou de verser son obole, de s’informer sur sa situation personnelle ou d’effectuer une démarche donnée à travers une téléprocédure, le projet gouvernemental est d’approfondir les orientations de la réduction des personnels de la fonction publique. En transmettant ces charges (aussi simples seraient-elles), en dépit des jeux d’un « droit à l’erreur » [4] encore incertains, ce sont aussi les responsabilités qui sont reportées sur les citoyens - sans avoir, évidemment, à les rémunérer [5].
En ce qui concerne ce REU, deux arrêtés sont intervenus : l’arrêté du 16 novembre 2018 NOR : INTA1827998A fixant les conditions d’agrément de la téléprocédure de demande d’inscription en ligne sur les listes électorales et les listes électorales complémentaires et l’arrêté du 16 novembre 2018 NOR : INTA1827999A portant définition des conditions d’accès des électeurs aux données et informations du répertoire électoral unique les concernant dans le cadre d’une téléprocédure.
Ces deux arrêtés évoquent l’institution d’un téléservice spécifique - non dénommé comme tel – accessible par la portail service-public.fr.
Le premier arrêté (NOR : INTA1827998A) concerne « la téléprocédure de demande d’inscription en ligne sur les listes électorales et les listes électorales complémentaires ». Cette téléprocédure renvoie nécessairement aux dispositions du décret n° 2018-343 du 9 mai 2018 (portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel permettant la gestion du répertoire électoral unique pris en application des dispositions du I de l’article 2 et de l’article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales) qui entrent en vigueur au 1er janvier 2019 [6]. Dès lors, elle permettra la transmission de la demande d’inscription sur les listes électorales accompagnée des pièces justificatives « numérisées ou photographiées par le demandeur ».
Le second arrêté (NOR : INTA1827999A) prévoit, toujours à l’attention du citoyen, la mise en place d’une téléprocédure dite « d’interrogation », afin de lui permettre de vérifier, au vu de sa situation individuelle, son inscription sur les listes électorales et, ’en même temps’, « d’accéder aux données et informations du répertoire électoral unique les concernant ». Ainsi, selon l’article 2 de cet arrêté, « chaque électeur peut vérifier son inscription sur les listes électorales d’une commune, ou d’un poste consulaire, ou son inscription sur les listes électorales complémentaires d’une commune en indiquant ses nom, prénoms, sexe et date de naissance tels qu’inscrits à l’état civil. » Pourtant, la charge de la vérification, aux termes du Code électoral, relève du maire [7].
.
Ces deux téléprocédures sont accessibles sur le site service-public.fr - ce, de par le dispositif prévu par un arrêté du 24 février 2016 portant intégration au site internet ’service-public.fr’ d’un téléservice permettant à l’usager d’accomplir des démarches administratives en tout ou partie dématérialisées et d’avoir accès à des services d’informations personnalisés. Or, c’est un téléservice fourre-tout. Il rassemble divers télérenseignements, téléchargements (de formulaires), téléprocédures, téléservices, télédémarches, télépaiements, etc.
L’article 2 de l’arrêté du 24 février 2016 dispose : « Ce téléservice offre notamment les fonctionnalités suivantes :1° La création et la gestion de comptes ’particulier’ destinés aux usagers personnes physiques [particuliers] et de comptes ’association’ destinés aux associations ; 2° La mise à disposition de l’usager, au travers du site ’service-public.fr’, d’un ensemble de téléservices proposés par l’administration et les organismes partenaires lui permettant d’accomplir ses démarches administratives en ligne et de procéder au suivi de ces démarches ; 3° L’utilisation d’un espace de stockage en ligne (...) permettant de conserver des documents et pièces justificatives dématérialisés, nécessaires à l’accomplissement de démarches administratives et d’y recevoir en retour les pièces communiquées par l’administration./ Ces services sont accessibles à l’usager au moyen d’un identifiant et d’un mot de passe ou d’un code d’accès qui lui aura été adressé sur son téléphone portable sauf dans les cas où une fonctionnalité ou un service requiert un mode particulier d’identification tel un certificat électronique./ L’usager peut choisir de recourir à l’identification par la fédération d’identité ’France Connect’./ L’accès aux téléservices des partenaires par le biais de ce téléservice est facultatif et non exclusif d’autres modalités d’accès./ L’utilisation du compte intégrant l’espace de stockage en ligne est placée sous le contrôle et la responsabilité de son titulaire qui peut le clore à tout moment. Hors les cas prévus par la loi, seul l’usager peut accéder aux données contenues dans son espace personnel de stockage./ L’administration et les organismes partenaires ne peuvent se voir communiquer par le biais de cet espace que les informations et documents dont ils ont à connaître en vertu d’un texte législatif ou réglementaire. »
.
En quelque sorte, alors même que le répertoire électoral unique (REU) « est tenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques aux seules fins de gestion du processus électoral », selon l’article L. 16-I du Code électoral [8], et que sa mise à jour devrait être le fruit d’une collaboration entre les communes, les consulats et l’INSEE [9], les électeurs sont appelés aux aussi à y mettre leur nez, du moins pour ce qui les concerne. Vous aviez dit "confiance" ?...
.
[1] (Nota : l’accès à Légifrance via Firefox est rétabli... la défaillance constatée n’a plus lieu d’être.)
[2] V. GK, « Des listes électorales dans un répertoire électoral unique... dès 2019 », 23 nov. 2018.
[3] Au risque que cela soit obligatoire demain ?
[4] Qui n’est en fait qu’un ’droit à la régularisation en cas d’erreur’ - ... ’de bonne foi’..
[5] Et sans prendre en considération le fait que pour ces administrés, la démarche a un coût parfois non négligeable - surtout pour celui qui n’est pas déjà pourvu des matériels adéquats (ordinateur, scanner, imprimante, etc.).
[6] V. GK, « Des données d’un répertoire électoral unique… », 12 mai 2018.
[7] C. Élect., art. L. 18-I, le maire « vérifie si la demande d’inscription de l’électeur répond aux conditions... ».
[8] ... deuxième phrase.
[9] V. www.insee.fr/fr/information.